Mariage pour tous: Tribune libre
Promis par le candidat à la présidentielle devenu Président de la République, porté également par l’ensemble des candidats de gauche, le projet de loi relatif à « l’ouverture du mariage aux couples du même sexe » est en débat depuis le 29 janvier à l’Assemblée Nationale, avant de venir devant le Sénat. Ce texte a donné lieu à une mobilisation massive des « antis » comme des « pros » mariage pour tous. Ce qui pourrait apparaître comme une simple question sociétale, comme une mesure porteuse de plus d’égalité, comme la concrétisation de choix de vie propre à chacune et chacun, pose finalement la question de la liberté de vivre à sa convenance, dans un cadre légal.
Contrairement à ce que laissent à penser ses détracteurs, le projet de loi ne vise pas à imposer un mode de vie, mais à garantir des droits aux personnes de même sexe ayant un projet de vie commune. Aujourd’hui, le mariage symbolise encore un acte constitutif de la famille. Or, de nos jours, nombreux sont les couples hétérosexuels ou homosexuels qui fondent une famille en dehors du mariage ; des couples se remarient, ont eu des enfants nés d’une précédente union et ne souhaitent pas agrandir leur famille. Enfin, dans nos communes nous marions de plus en plus des personnes en âge de ne plus avoir d’enfants. Le rôle du législateur ne peut pas être celui de la conservation d’une norme qui, de fait, ne répond plus à nombre de nos concitoyennes et concitoyens. Il n’est pas non plus de creuser des différences, des inégalités, mais de les corriger. Et sur cette question comme sur d’autres, il ne peut y avoir de « clause de conscience ». Un maire est officier d’état civil.
Libre à cet élu de conserver son opinion, mais il doit appliquer la loi et la loi ne peut pas l’exempter. Rappelons sur ce point que si le mariage est contracté dans la commune de résidence d’un des deux conjoints, l’acte d’état civil remis est un document juridique de portée nationale et même internationale. Il n’y a donc pas de clause de conscience possible pour un officier d’État civil, sauf à remettre en cause un des fondements constitutionnels « la République française est une et indivisible ». Les droits sont les mêmes, quelle que soit sa commune de résidence. Ce débat interroge, passionne. Il est partout dans l’actualité des derniers mois et dernières semaines, au détriment parfois des sujets fondamentaux pour notre société et des réponses urgentes et nécessaires à apporter pour sortir de la crise du capitalisme.
Dans notre société laïque, il est surprenant de voir le poids des Églises dans ce débat. Cette loi qui certes transforme le mariage ne concerne que le mariage civil. Elle n’impose à personne des choix moraux qui ne sont pas les siens. Le débat parlementaire doit donc prendre de la hauteur pour accompagner l’évolution de la société. A celles et ceux qui s’insurgent contre le caractère soi-disant « anti naturel » de cette loi, rappelons que si l’Homme existe c’est que la nature le permet et, comme l’affirmait Aristote dès l’Antiquité, l’Homme est un animal politique. Les arguments naturalistes ne peuvent donc pas trouver leur place dans ce débat. Rappelons également qu’il y a presque soixante-dix ans, le droit de vote des femmes était combattu par certains au nom de la supériorité naturelle de l’homme, tout comme plusieurs années après, la contraception puis l’interruption volontaire de grossesse.
Aujourd’hui la loi n’oblige personne à voter, à prendre un moyen de contraception ou à faire une IVG… Et, par ailleurs, ce ne sont pas ces lois-là qui ont plongé notre pays dans la crise qui le frappe aujourd’hui avec son cortège de souffrances et de mal-vie. La lecture de l’article 212 du Code civil par le maire (les époux se doivent mutuellement fidélité), continuera et nous savons toutes et tous que cet article ne suffit pas à assurer la pérennité d’un couple hétérosexuel tout comme il ne pourra assurer demain celle d’un couple homosexuel. Mais en attendant, tous nos vœux de bonheur à toutes et tous !