Ce vendredi 14 mai 2021, au nom des communistes, Michel Barrionuevo a prononcé l’hommage suivant:
Joseph a quitté sa Sicile natale à l’âge de 23 ans pour s’établir dans la région grenobloise. Là-bas, son dernier métier était marbrier : « la tâche est rude et les ouvriers subissent l’exploitation des patrons, mais aussi la politique liée aux mafieux ! »
Lors de son arrivée, en France en 1957, Joseph fait partie de la dernière vague d’immigration italienne, depuis plus de 50 ans le racisme anti-italien persiste, certains cafés arborent le panonceau « interdit aux chiens et aux italiens, les ritals, les macaronis« . C’est à ce moment-là que sa route après le Parti communiste italien croise celle du Parti communiste français et qu’il adhère et s’implique au sein de la MOI, la main d’œuvre immigrée. On a beau parfois se sentir détesté, mais il faut crouter. Sur le plan professionnel, il est peintre en bâtiment jusqu’à son accident, une chute du 4ème étage.
Joseph postule sur un emploi communal dans les ateliers au sein de la ville de St Martin d’Hères. Il est embauché, et jusqu’à sa retraite s’investit au sein de la CGT.
Passionné de justice sociale, il contribue, à la création d’une mutuelle des employés communaux, la MUFTI qui réunit jusqu’à 500 adhérents s’implique dans les activités de prévoyance, il anime des réunions régulières aux ateliers et à la mairie.
Joseph, je l’ai surtout connu lorsqu’avec Maristella, son épouse, ses enfants, vous êtes venus habiter à Fontaine en 1974. Je venais d’adhérer au Parti communiste français.
Pendant ces années programme commun, la fédération de l’Isère avait mis en place un groupe de militants chargé du lien en direction des travailleurs issus de l’émigration et de l’immigration, notamment la communauté italienne fortement implantée. Marcone qui travaillait aux tôleries de Grenoble représentait Fontaine et Pinto St Martin d’Hères.
L’un comme l’autre, étaient des militants communistes et des spécialistes des spaghettis, Marcone pour la cellule de tôleries à la fête du Travailleur Alpin à Uriage et Joseph Pinto au sein de sa cellule des ateliers communaux dans un hangar apprêté pour l’occasion où il cuisinait parfois pour 300 à 350 convives, c’est dire la qualité gustative de sa cuisine. Ces agapes annuelles se terminaient en chansons révolutionnaires italiennes, espagnoles, Françaises. Les accords de « bella ciao », de « el paso del ebro » certains disent « ay Carmela », « le temps des cerises », « l’internationale » résonnent encore dans les têtes des camarades présents.
Dans les campagnes électorales, pendant la pause repas avec d’autres camarades, il en profitait pour aller coller sur les murs de l’avenue.
Joseph c’était la simplicité. Il adorait avec sa voix aux accents volcaniques, vous transporter dans ses passions.
Lorsqu’avec sa famille il est venu vivre à Fontaine, la commune était jumelée avec Schmalkalden en RDA et Alpignano en Italie. L’Italie d’accord, mais ce n’est pas la Sicile ! Pour la communauté sicilienne de Fontaine très nombreuse, il fallait aller plus loin.
En décembre 1985, il y a eu la création de L’Union Sommatinèse Émigrés et Famille (USEF). Le Président de cette association était Antoine Fonte, Joseph Pinto l’accompagne durant un peu plus de 5 ans. Ce qu’il regrettait le plus, c’est le flou de la rédaction de l’article 2 des statuts : « L’association qui est totalement apolitique se propose :
- De porter l’emblème de la commune de Sommatino et de la commune de Fontaine.
- De favoriser l’insertion des émigrés dans la vie sociale locale pour éviter toute sorte de marginalisation, etc…«
Lors de la Présidentielle de 1988, Le Pen réunit plus de 14% des suffrages exprimés, Joseph ayant vu le danger de l’extrême droite, se comporte comme le garde-fou.
Le jumelage de Fontaine avec Sommatino se déroule en juillet et août 1991. Il presse Antoine Fonte de dire que si l’association est apolitique, que tout parti politique, démocratique, républicain, anti-fasciste, sera toujours reçu avec le respect.
Avec d’autres, ils décident alors, de créer une nouvelle association qui verra le jour le 25 septembre 1991, le Cercle Culturel Franco-Italien (CECUFI) Léonardo Scascia-Paul Éluard dont il sera le Président.
Le développement des échanges culturels seront mis en avant, avec bien évidemment une continuité avec les repas, les voyages, en convivialité.
En préparant cet hommage, j’ai cherché à mieux connaitre Léonardo Sciascia qui est l’un des plus grands écrivains siciliens du 20ème siècle. Au réalisateur Elio Petri qui s’apprêtait à adapter l’un de ses romans, il dira : » j’écris seulement pour faire de la politique« .
Cette politique, c’est l’amour de son île, la lutte pour le progrès et la justice. S’opposer aux abus de pouvoir en mettant la littérature au service de la vérité.
L’ensemble de ces mots vont si bien à Joseph Pinto le communiste engagé, le camarade.
Il n’avait plus la même forme physique, mais son attachement aux engagements de jeunesse étaient présents, il nous laisse l’héritage que rien ne s’obtient sans luttes.
Pour beaucoup, Joseph aura été un guide, Nizar dit : « il m’a raconté l’importance de la CGT dans l’intégration des immigrés dans les luttes sociales et plus largement dans la société française, il m’a beaucoup parlé du PCF des immigrés italiens, de son double engagement au parti au syndicat. S’il y a une personne qui m’a fait me sentir bien à Fontaine jusqu’à choisir d’y travailler c’est bien lui. S’il y a une personne qui m’a fait comprendre que j’avais ma place, malgré un vécu historique et politique très différent de beaucoup de camarades, au parti communiste français c’est bien lui ! S’il y a une personne qui m’a éclairé sur la jonction entre les enjeux de société comme l’antiracisme et la lutte des classes, c’est bien lui «
Nous savons combien, Joseph aurait apprécié le choix très majoritaire des communistes de France pour l’élection présidentielle de 2022. Avec Fabien Roussel, c’est un projet, des propositions, une ambition que nous décidons de proposer au monde du travail et de la création, à la jeunesse, aux classes populaires. C’est un nouveau chemin d’espoir, celui des Jours heureux, face à un système capitaliste qui maltraite tant de vies au nom de la rentabilité et se révèle incapable de relever les grands défis de la période.
Dans l’énoncé de la CECUFI, le second nom mentionné est celui de Paul Eluard. Pour ma conclusion, j’ai choisi ce poème « et un sourire«
La nuit n’est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler faim à satisfaire
Un cœur généreux
Une main tendue une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie la vie à se partager.
Au nom des communistes de Fontaine et de l’Isère, je transmets nos plus fraternelles condoléances à Maristella son épouse, à ses enfants Michel, Gaëtan et Serge, leurs compagnes ainsi qu’à toute sa famille, vous pouvez être fiers de son parcours. Adieu Joseph, adieu notre camarade !