La gauche parlementaire s’était opposée en 2010 à la réforme territoriale de Nicolas Sarkozy et s’était prononcée pour son abrogation en cas de retour au pouvoir. Or, la réforme des collectivités territoriales laborieusement avancée par le gouvernement actuel s’inscrit au contraire dans le cadre de celle de 2010.
Le découpage en trois de ce projet n’y change rien: il porte une profonde régression démocratique. Deux objectifs sont poursuivis : organiser l’encadrement par l’Etatdesdépenses des collectivités et donc l’austérité ; et répondre aux exigences de compétitivité libérale du MEDEF. Pour cela, il organise sans détours la casse de la démocratie locale, la concentration des pouvoirs et l’éclatement de l’égalité républicaine entre les territoires.
Les conséquences de ce projet seraient monumentales. Il annonce la fin des communes comme espaces de souveraineté populaire et de décision. Voire la fin des départements. Pour lui, le pouvoir est encore trop partagé ! Faisant des métropoles les nouvelles cellules de base de la République, il met en place les mécanismes de la compétition entre elles, laissant les territoires ruraux à la marge. Nul ne nie l’existence d’enjeux à l’échelle d’aires métropolitaines et la nécessité de mieux appréhender cette réalité. Mais pour nous, la prise en compte de ces enjeux doit se faire par une extension de la coopération et de la démocratie. Il organise le découpage des compétences à la carte, la tutelle de certaines collectivités sur d’autres et met en danger les services publics. Il ouvre enfin un processus de centralisation et de concentration du pouvoir entre les mains de quelques élus régnant sur d’immenses territoires et veut réduire le champ d’action de la majorité des élus locaux. Et il en profite pour soustraire l’Etat à ses obligations, en premier lieu celle d’une réponse véritable aux besoins de financement des collectivités territoriales et des grands projets nécessaires. Notre peuple doit en être informé : on veut encore réduire son pouvoir.
Un tel chambardement, équivalent à une modification constitutionnelle de grande ampleur, ne saurait se faire en catimini, sans un grand débat démocratique. Ce n’est hélas pas la voie choisie par le gouvernement qui occulte au contraire les véritables enjeux de sa réforme. Sa précipitation à l’approche des élections municipales devient désormais insupportable. A l’heure où la crise de la démocratie connaît un nouveau regain dans notre pays, mettant en lumière l’emprise croissante de la finance sur les grandes décisions, faut-il encore réduire le champ de la souveraineté populaire et des solidarités ? On ne peut se targuer de moralisation de la vie politique et organiser le dessaisissement du peuple en catimini.
Ce projet suscite d’ores et déjà une vive opposition parmi les élus et populations qui en ont connaissance. La volonté de passage en force qui s’est exprimée à plusieurs reprises dans les discussions locales comme nationales est inacceptable. Le vote des alsaciennes et des alsaciens contre la fusion des départements et de la région devrait pourtant alerter le gouvernement : les citoyens refusent les bouleversements institutionnels qui n’apportent aucune avancée démocratique pour eux. De multiples expériences, comme celle de Paris-Métropole, montrent que d’autres modèles que celui du centralisme autoritaire sont capables de fonctionner et peuvent être porteurs de dynamiques engageant beaucoup plus la population.
S’ajoute à cela la réforme aberrante des modes de scrutin, faisant des cantonales le seul scrutin sans proportionnelle, visant à élire des assemblées bipolaires non conforme à la pluralité politique de notre pays. Le PCF dénonce le redécoupage des cantons qui est en train de se tramer en toute opacité, au profit du pouvoir en place. La France n’a pas besoin d’un scandale démocratique de plus, qui effacerait de la carte la plupart des 235 conseillers généraux communistes.
Il y a besoin d’une réforme en profondeur de nos institutions, d’une VIème République. La commune doit être confortée comme cellule de base de la démocratie et du vivre ensemble ; la participation citoyenne doit y être largement déployée. Nous proposons de déprésidentialiser toutes les institutions plutôt que de fabriquer de grands barons plénipotentiaires, rendant inopérante la limitation du cumul des mandats. Nous proposons d’organiser des coopérations métropolitaines plutôt que d’ajouter un nouvel échelon institutionnel niant les solidarités existantes et visant à éloigner la décision des citoyennes et des citoyens. Nous proposons d’utiliser les potentialités de la décentralisation pour développer des espaces d’intervention populaire : la démocratie citoyenne plutôt que cette dérive oligarchique et sa République des experts ! Nous voulons promouvoir une conception de l’Etat, unitaire et stratège, au service de l’intérêt général, et garant de l’égalité et des solidarités entre les territoires, au lieu d’un Etat qui se dépouille et se dédouane. La décentralisation doit d’abord être une démocratisation, au plus près des préoccupations et de besoins des populations.Dans cet esprit, nous appelons à un nouvel âge des services publics pour relever les défis de l’énergie, du logement, ou de l’éducation…
Cette approche institutionnelle appelle une autre répartition des richesses dans notre pays, notamment par une réforme de la fiscalité, nationale et locale, qui n’hésite pas à taxer le capital financier et à s’attaquer à l’évasion fiscale sous toutes ses formes.
Depuis longtemps, le projet de loi gouvernemental aurait dû être purement et simplement retiré pour laisser place à une véritable discussion sur les enjeux, les besoins et les moyens nécessaires. Face à l’entêtement du gouvernement, nous appelons les citoyennes et les citoyens de notre pays à manifester leur refus de cette réforme qui leur prend le pouvoir. Nous affirmons que toute modification des structures d’un territoire devra être soumise à référendum. Pas de réforme de la démocratie sans démocratie ! Ce projet doit être retiré et l’ouvrage remis sur le métier pour une refondation démocratique et sociale de nos institutions.
Nous en avons la conviction, cette bataille peut être gagnée. Nous appelons à faire de la manifestation du 30 mai à Paris devant le Sénat un grand rassemblement populaire. Et nous invitons tous ceux et toutes celles qui veulent défricher les voies d’une démocratie nouvelle face à la loi de l’argent, à s’emparer des Assises du 16 juin à Montreuil.
Jean-Paul Trovero, Premier Adjoint au Maire de Fontaine et candidat aux municipales de 2014, était ce week-end au Conseil National du PCF pour parler de l’Acte III de la décentralisation et des élections municipales.